Politique « cadeaux » & procédure RH : quels bons réflexes adopter ?

Tribune Juridique – Chef d’entreprise

La Cour d’appel d’Angers a illustré, le 29 mai 2020, la nécessité pour les employeurs de coupler la politique sur les cadeaux et invitations à des procédures RH visant à en assurer le contrôle. L’occasion de faire le point sur les bonnes pratiques à adopter dans toutes les entreprises.

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Preuve d’actes de concurrence déloyale : décision inédite de la Cour de Cassation

Commentaire de la décision de principe de la Cour de Cassation, 19 mars 2020, n°19-11.323

Par une décision de principe du 19 mars 2020 (n°19-11.323), qui fait l’objet d’une triple publication (P+B+I), la Cour de Cassation donne un éclairage intéressant sur la répartition des pouvoirs respectifs entre juge des référés et juge des requêtes : « seul le juge des requêtes qui a rendu l’ordonnance peut être saisi d’une demande de rétractation de celle-ci ».

Si la règle en elle-même n’est pas totalement nouvelle, le contexte procédural est inédit.

Les faits et la procédure étaient les suivants : à la demande de la société de contrôle technique automobile Autovision, assistée dans la procédure au fond par Ebl Lexington Avocats, le juge des requêtes a autorisé un huissier à se rendre chez un concurrent, auquel il était reproché des actes de concurrence déloyale, pour en rechercher des preuves.

Conformément à l’ordonnance sur requête, les pièces saisies chez le concurrent étaient placées sous séquestre.

Pour obtenir la communication des pièces, la société Autovision saisissait classiquement le juge des référés du TGI Paris pour qu’il ordonne la mainlevée du séquestre.

Au cours de cette instance, le concurrent, qui n’avait toujours pas saisi le juge des requêtes d’une éventuelle demande de rétractation, sollicitait du juge des référés, à titre reconventionnel, la rétractation de l’ordonnance sur requête.

Ce dernier, estimant qu’une telle mesure relevait effectivement de son pouvoir, statuait sur cette demande (bien que la rejetant), et, par la même décision, ordonnait la mainlevée du séquestre.

Le concurrent, débouté de l’intégralité de ses demandes, interjetait appel de cette ordonnance de référé.

Devant la cour d’appel, la société Autovision sollicitait l’annulation partielle de l’ordonnance de référé pour excès de pouvoir sur la partie relative à la rétractation, et la confirmation pour le surplus.

Si la Cour de Cassation avait déjà statué dans ce sens, c’était uniquement en matière de saisie-contrefaçon (Cass. com., 21 octobre 2014, n°13-15435).

En revanche, il n’existait aucune décision antérieure équivalente rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Pour sa part, le concurrent soutenait en appel, comme il le fera à nouveau devant la Cour de Cassation, que le juge des référés et le juge des requêtes étant la même personne, à savoir le Président de la juridiction, il serait artificiel de les distinguer.

Toutefois, la cour d’appel, suivi en ce sens par la Cour de Cassation, annulait partiellement pour excès de pouvoir l’ordonnance de référé en relevant que la décision de rétractation relève « de la compétence exclusive du juge qui a rendu l’ordonnance sur requête » (CA Paris, 25 octobre 2018, RG n°18/02635).

Par conséquent, la règle posée par la Cour de Cassation dans l’arrêt précité du 21 octobre 2014 en matière de saisie-contrefaçon est désormais plus largement applicable à toutes les mesures d’instruction in futurum avec ce nouvel arrêt de la Haute cour.

La crise facilite les closings dématérialisés

Option Finance – Interview d’Arnaud Demont

Publication de l’article : « La crise facilite les closings dématérialisés » d’Anaïs Trebaul. 

Ebl Lexington Avocats est heureux d’y avoir contribué au travers de l’interview d’Arnaud Demont qui a livré son témoignage sur les changements induits par la crise et sur les pratiques du cabinet.

 

L’e-réputation : un mal 2.0

 « Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ». En concluant son illustre serment par ces quelques mots, Hippocrate ne concevait certainement pas l’avènement des nouveaux moyens de communication faisant peser sur les épaules des professionnels, 24 siècles plus tard, le lourd fardeau de la critique 2.0, souvent acerbe, la plupart du temps anonyme. Cachés derrière le chétif anonymat d’une adresse IP ou d’un compte utilisateur, certains internautes ne se privent pas pour saper la réputation d’autrui.

Médecins, huissiers ou avocats font fréquemment les frais de commentaires diffamatoires, injurieux ou dénigrants diffusés sur des sites spécialisés, des forums ou sur les fiches « My Google Business ». Il suffit d’entrer le nom d’un professionnel dans le moteur de recherche pour voir apparaître un encadré contenant son adresse, ses horaires d’ouverture, son numéro de téléphone, mais surtout, des avis laissés par les internautes, parfois empreints d’une poésie quelque peu revêche.

Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir en obtenant la suppression totale et définitive de ces fiches auprès de Google ? Certains professionnels l’ont tenté, en s’engouffrant dans la brèche du caractère illicite du traitement des données personnelles des professionnels par Google, non sans un certain succès, du moins dans un premier temps. La jurisprudence majoritaire considère que le nom du professionnel et ses coordonnées sont bien des données à caractère personnel, susceptibles en principe d’opposition. Sur ce fondement, le Tribunal de commerce de Paris, précurseur, a ordonné à Google de faire cesser l’association automatique entre le nom du plaignant – galeriste – et les termes « faux César » – dans la fonction prédictive « Google Suggest » du moteur éponyme (Tcom Paris, 28 janvier 2014). Le TGI de Paris suivait le même raisonnement en jugeant que l’envoi à des professionnels de courriels de prospection commerciale sans leur approbation caractérisait une utilisation illégale de données à caractère personnel du professionnel, justifiant la suppression de sa fiche « My Google Business » (TGI Paris, 6 avril 2018). Néanmoins, peu de temps après, le même TGI de Paris faisait volte-face en jugeant que le consentement au traitement des données n’avait pas à être recueilli si le traitement était justifié par un intérêt légitime, comme celui notamment « d’information du consommateur » (TGI Paris, 12 avril 2019) ou encore « l’accès rapide des internautes à des informations pratiques sur les professionnels de santé » (TGI de Paris, 11 juillet 2019). L’ensemble de ces décisions s’accordent pour relever que le professionnel ne peut valablement se retrancher derrière un droit d’opposition à géométrie variable, en diffusant par exemple spontanément des informations sur sa fiche Doctolib tout en refusant qu’elles apparaissent simultanément sur une fiche « My Google Business ». Moralité : si l’anonymat est possible, il doit être total.   

Reste donc la possibilité de solliciter la suppression au cas par cas des commentaires litigieux. La plupart du temps, pour les propos les plus véhéments, Google peut déjà avoir fait droit à la demande amiable de suppression. À défaut, il faut identifier l’auteur des propos en obtenant du juge la levée de l’anonymat. Ensuite, une fois l’auteur identifié, reste à caractériser l’abus dans l’expression. Les juridictions ont de plus en plus tendance à restreindre la possibilité d’obtenir le déréférencement ou le blocage de contenus pouvant porter atteinte à la réputation. Pour refuser de supprimer, les juges opposent l’opinion subjective des internautes (TGI de Paris, 11 juillet 2019), l’intérêt des avis mêmes négatifs pour établir un débat avec le praticien (CA Paris, 22 mars 2019) ou bien encore le « libre jeu de l’usage des systèmes de notation et d’avis (…)  [qui offre] une vision objective du praticien par les avis des patients antérieurs de celui-ci » (TGI de Metz, 16 juillet 2019).

Quid des faux avis, ceux laissés par des internautes qui n’ont jamais été en relation avec le professionnel dont ils prétendent pourtant critiquer la prestation ? Répondent-ils réellement d’un intérêt d’information ou même d’une opinion subjective ? La jurisprudence actuelle, tel un placebo, n’est aujourd’hui d’aucun secours contre ce mal 2.0.

 

  • Avec l’aide de Romain Soustelle, Master 2 au CEIPI, Strasbourg